La saisonnalité des marchés immobiliers est-elle immuable ? Est-elle touchée par la baisse des taux d’intérêts ? Michel Mouillart, Professeur d’Economie à l’Université Paris Ouest, nous apporte son éclairage.
1 – Aujourd’hui, avec une économie souffreteuse, les marchés immobiliers obéissent-ils toujours autant à la saisonnalité ?
Le principe de la saisonnalité est que le marché répond à des pulsations qui correspondent au rythme de la vie économique et sociale dans l’année. Quand vous recherchez une résidence secondaire, vous allez la chercher et l’utiliser pendant les vacances. Pour une résidence principale, il faut être prêt pour la rentrée de septembre.
Contrairement aux idées reçues, la saisonnalité n’est pas affectée par des décisions publiques comme la loi ALUR ou la fluctuation des taux d’intérêts alors que l’activité l’est un peu. Avec la loi ALUR, nous avons observé un blocage. Mais ce n’est pas pour autant que la saisonnalité a disparu. Cela signifie qu’il y a simplement eu une perturbation.
2 – Quel rythme suit alors le marché de l’immobilier ?
Sur la gestion locative, les mois d’hiver sont des mois creux. De décembre à février, l’activité est réduite. A partir de mars, le marché se réactive. Les mois plus actifs se situent de mai à septembre. Par exemple, pendant les mois d’hiver, on observe des baisses de loyer de marché. Quand le printemps arrive, les loyers se redressent. Si on prend les 5 dernières années, on observe une amplitude de 2 points à 2,5 points entre l’hiver et l’été. On constate la même baisse pour le marché de la transaction.
Du côté de l’activité, que ce soit sur le marché de la transaction et location, on observe une hausse de 50% au printemps quelque soit le contexte. Maintenant, il y a des périodes où le creux hivernal est plus marqué. D’autres où le redémarrage du printemps est peu visible.
3 – La baisse des taux d’intérêts ont-ils joué un rôle ?
Cela n’a rien à voir avec les taux d’intérêts. En revanche, quand ils sont très bons, le creux de l‘activité de l’hiver est alors moins marqué. C’est la même chose sur la transaction et sur les loyers. Si les taux n’avaient pas baissé, l’activité des marchés aurait été très mauvaise. Cela a permis au marché immobilier d’éviter une grave récession. Et pourtant, la baisse n’est pas récente, elle a débuté en 2011 et n’a cessé de diminuer depuis. En 2014, elle est équivalente à une baisse des prix de 10%. Une baisse que nous n’avons pas constatée sur les prix. D’autres parts, les établissements de crédit depuis le début de l’année 2014 ont allégé leurs exigences en matière d’apport personnel. Cela représente là aussi une baisse des prix de l’ordre de 10%. Ce qui prouve que l’an dernier, le marché de la transaction a été porté à bout de bras par celui du crédit. Est-ce que cela n’a pourtant pas modifié le profil saisonnier !
4 – Quelle leçon les agents immobiliers doivent-ils en retirer ?
Pendant la saison creuse, le marché n’est pas gelé, il passe l’hiver comme un ours qui hiberne. En revanche, il ne faut pas se tromper non plus et modérer son optimisme parce que l’été, le marché est toujours très bon. Savoir ce qu’est la saisonnalité, c’est l’identifier et la reconnaître.
Il est important de ne pas de tromper et d’éviter de se fier à des informations trop anciennes (comme les indices INSEE-notaires) pour analyser un marché en transformation permanente. Ils parlent de prix de l’été, au plus élevé, alors que les prix ont cédé, ou au printemps parlent des prix observés en hiver.
C’est la raison pour laquelle l’observatoire Clameur et le baromètre LPI-SeLoger ont voulu publier tous les mois les tendances des marchés afin d’éviter les informations décalées par rapport à la réalité.
5 – Et pour les clients ?
Il est clair que si quelqu’un veut acheter moins cher, il s’y prendra en janvier mais il aura moins de choix. S’il achète entre mai et juillet, il va acheter beaucoup plus cher mais il aura plus de choix. C’est le revers de la médaille.