La forte baisse des mises en chantier laisse craindre une véritable pénurie sur le marché de l’immobilier. Affecté par les paralysies et les pénuries liées à la pandémie de Covid-19, le secteur de la construction tente aujourd’hui de reprendre un bon rythme de croisière. Mais cela suffira-t-il à éviter une pénurie d’offres sur le marché du logement neuf ? État des lieux et perspectives.
État des lieux
Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, de mai 2020 à avril 2021, le nombre de permis de construire accordés s’élève à 405 700 (-6,5 % sur un an), et 387 500 logements ont été mis en chantier (+7 % sur un an). Ces chiffres restent très inférieurs à ceux observés au cours l’année 2017 (499 000 permis accordés et 437 200 mises en chantier), considérée dans le secteur du bâtiment comme une année de référence.
Les contraintes conjoncturelles
Le premier confinement (17 mars – 10 mai) a mis à l’arrêt tous les chantiers de construction. Dans le même temps, les filières d’approvisionnement nationales et internationales se désorganisaient et s’appauvrissaient. Si l’activité connaît aujourd’hui un net rebond, les effets de la pandémie et de la pénurie actuelle des matériaux de construction pourraient peser sur le bilan annuel des constructions de logements en France. Olivier Salleron, de la Fédération française du bâtiment, estime que 30 % des chantiers risquent la mise à l’arrêt par manque de matériaux dans les semaines à venir.
Les contraintes structurelles
Les élections municipales
2020 a été une année d’élection municipale. Comme en 2008, et 2014, ces élections se traduisent par une baisse drastique du nombre de permis de construire accordés par les municipalités. Les maires en place gèlent tout projet pouvant mécontenter leurs administrés, tandis que les maires nouvellement élus ont besoin de temps pour mettre en place leur équipe et leur politique urbanistique. En mars 2020, BFM publiait une enquête qui dévoilait ce phénomène. Celle-ci révélait que la construction de logements collectifs avait littéralement plongé dans une quinzaine de villes de plus de 15 000 habitants.
Le manque et le prix du foncier
Entre légitime protection contre l’artificialisation des sols, protection des zones agricoles et naturelles et libération de foncier à bâtir, la France semble ne pas parvenir à trouver une politique cohérente d’aménagement de son territoire. La réhabilitation des friches industrielles reste malheureusement insuffisamment pratiquée. Le foncier est rare et de plus en plus cher !
L’inflation des normes
De la loi ALUR à la future RE2020 qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022, l’accumulation des normes et obligations pesant sur les promoteurs immobiliers se traduisent inévitablement par une hausse du coût de la construction. Faute de rentabilité, certains projets ne dépassent pas le stade de l’étude préalable.
Bon à savoir : Les surcoûts de construction en 2021
Dans une étude préalable des impacts de la RE2020, le gouvernement évalue les surcoûts de construction entre 3 et 5 % en 2021, 5 et 8 % de 2024 à 2030, et 7,5 et 15 % à compter de 2030. En valeur, ces surcoûts s’établissent à 1,93 Md d’euros par an de 2022 à 2023, 3,54 Mds d’euros de 2023 à 2027 et de 6,04 Mds d’euros à compter de 2030.
L’accès au crédit immobilier
La crise économique générée par la pandémie de Covid-19 a fragilisé de nombreux secteurs, jusque-là épargnés par les incertitudes économiques. Face à l’augmentation du risque, les banques ont, sur recommandation du Haut Conseil de stabilité financière, durci les conditions d’accès au crédit. Cette restriction de l’accès au crédit pèse lourdement sur les primo-accédants, ne disposant généralement pas du niveau d’apport personnel à présent exigé.
La hausse des prix
Ce qui est rare est cher : l’immobilier neuf ne déroge pas à la règle ! L’Île-de-France, mais aussi les grandes villes de province comme Lyon, Nice ou Marseille, connaissent une envolée des prix du mètre carré neuf. À Lille, les prix enregistrent même une hausse record de 7 %. Selon le Laboratoire de l’immobilier, le prix moyen du mètre carré d’un logement neuf en France (hors maisons individuelles) s’établit désormais à 4 650 euros.
Sauver de la pénurie par… la baisse de la demande ?
Affectée par différents facteurs, l’offre de logements neufs peine aujourd’hui à répondre à une demande qui se maintient grâce à un coût de l’argent extrêmement bas. Les investisseurs possédant les garanties suffisantes arrivent en effet à se financer à de très bons taux. On peut néanmoins s’interroger sur la solidité de la demande dans les mois et années à venir si les taux d’emprunt devaient remonter. Si plusieurs banques centrales de par le monde ont déjà relevé leur taux directeur, la BCE ne l’envisage que pour 2023. Au niveau de prix actuel du mètre carré, chaque dixième du taux d’emprunt compte en matière de rentabilité des investissements immobiliers.
La baisse de l’offre, si elle se confirme, pourrait accentuer la hausse déjà constatée des prix. Les investisseurs, échaudés par ces derniers, pourraient délaisser un temps l’investissement locatif en attendant de meilleurs jours. Le secteur échapperait ainsi à la pénurie, mais pour une bien mauvaise raison : tomber de Charybde en Scylla.
Les trois points clés à retenir :
1. Les mises en chantier se maintiennent à un niveau relativement bas.
2. 30 % des chantiers de construction pourraient être affectés par la pénurie des matériaux.
3. De nombreux facteurs structurels entravent la construction de logements neufs en France.