Soyez vigilant : votre obligation d’information sur les désordres apparents
Professionnel de l’immobilier, vous avez l’obligation d’informer les acquéreurs, avec exactitude et loyauté, sur les caractéristiques techniques et juridiques du bien qu’ils projettent d’acheter. La jurisprudence est omniprésente sur le sujet et condamne les agents immobiliers n’ayant pas satisfait à cette obligation. Pensez à préserver vos intérêts.
La mise en jeu de votre responsabilité
Lors de la vente d’un bien immobilier, vendeurs et acquéreurs font appel à vous pour bénéficier de votre expertise. Prenez garde à respecter votre obligation d’information. Si un acquéreur constate après la signature de l’acte authentique, des désordres affectant le bien et non portés à sa connaissance, celui-ci peut se retourner contre le vendeur mais aussi contre vous. Vous devez attirer l’attention de vos clients sur l’existence de tout vice juridique (une servitude, une construction irrégulière…) ou technique (affaissement d’une toiture…) dès lors que ces vices ne sont pas décelables pour un particulier et que vous en aviez connaissance ou que vous auriez pu les déceler.
Votre obligation d’information vaut même sur un projet de notoriété publique et même si l’acquéreur est un professionnel.
Bon à savoir :
Au-delà de votre obligation d’information vous devez vérifier l’exactitude des déclarations faites par votre client vendeur. Ne vous contentez pas de communiquer les informations transmises par le vendeur à l’acquéreur. Vérifiez les dires du vendeur chaque fois que possible. Vous devez vérifier que tous les éléments sont réunis par satisfaire au bon déroulement de l’opération.
Si vous n’informez pas l’acquéreur d’un vice affectant le bien, votre responsabilité peut être engagée, l’acquéreur subissant un préjudice. Sous réserve de l’appréciation des juges, des dommages et intérêts peuvent lui être accordés.
Une jurisprudence foisonnante
De nombreuses décisions de justice condamnent régulièrement les agents immobiliers. Les exemples ne manquent pas.
Ainsi, la cour d’appel de Lyon a décidé qu’il incombait à l’agent immobilier de vérifier la réalité du raccordement du tout à l’égout en sollicitant des justificatifs de travaux. Il s’agit bien du principe rappelé précédemment. Vous devez vérifier les informations transmises par les vendeurs. Les vendeurs peuvent omettre de communiquer certaines informations ou justificatifs. C’est là que votre rôle est crucial.
Un autre exemple peut être soulevé. La responsabilité d’un agent immobilier a été retenue, car il n’avait pas vérifié le caractère constructible d’un terrain proposé à la vente comme terrain à bâtir.
Allant même plus loin, la jurisprudence considère que vous devez accompagner vos clients tout au long de l’opération. Par exemple, il a été jugé que lorsqu’un diagnostic contient des termes difficilement compréhensibles pour un profane mais transparents pour un professionnel, l’agent immobilier doit s’assurer que les acquéreurs ont compris le sens et la portée de ce diagnostic. A défaut, il peut voir sa responsabilité engagée.
Un conseil
Reportez dans le compromis de vente les diligences et vérifications que vous avez opérées et les conséquences qui en découlent pour l’acquéreur (en joignant un devis de travaux par exemple). Ce dernier achètera donc le bien en connaissance de cause.
L’information sur les vices cachés : une appréciation au cas par cas ponctuée de nuances
Outre la jurisprudence sur les vices apparents, quelques décisions retiennent la responsabilité du professionnel même en présence de vices cachés, tandis que d’autres décisions rappellent que l’agent immobilier n’est pas expert en bâtiment et qu’il ne peut donc pas déceler tous les vices.
La jurisprudence actuelle condamnant l’agent immobilier
La Cour de cassation a retenu la responsabilité d’un agent immobilier en 2009 pour défaut d’information. Le bien objet de la vente présentait des malfaçons et était situé dans un secteur géographique fortement touché par un épisode de sécheresse ayant conduit à une procédure de constatation de catastrophe naturelle. Il a été jugé que l’agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien se situait au centre de la zone affectée, compte tenu du lieu de situation de son activité. Il aurait dû attirer l’attention des acquéreurs sur l’origine des fissures et sur leur gravité potentielle pouvant affecter la structure de l’immeuble. Ne l’ayant pas fait, il a été condamné solidairement avec le notaire à verser aux acquéreurs 147 823 euros correspondant au montant des travaux à entreprendre.
Et très récemment, dans un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour de cassation retient la responsabilité d’un agent immobilier qui n’a pas informé ses clients de la présence d’une servitude non aedificandi sur le terrain vendu. Point crucial qui remet en cause la réalisation du projet de l’acquéreur qui peut se voir allouer des dommages et intérêts.
Des nuances : l’agent immobilier n’est pas expert en bâtiment
Il a été décidé qu’un agent immobilier, intermédiaire dans la vente d’une maison infestée par la mérule, n’engage pas sa responsabilité si ce vice n’est pas apparent. La jurisprudence considère que ce genre de désordre ne peut être visible que par un expert en bâtiment et que n’étant pas professionnel de la construction, vous ne pouvez pas le déceler. Vous devez donc vérifier les défauts essentiels du bien sans pour autant opérer de démontages ou d’investigations approfondies dès l’instant qu’aucun élément ne le justifie. Le 21 janvier 2015, la Cour de cassation a rappelé ce principe.
La responsabilité de l’agent immobilier n’est pas non plus engagée, pour des faits que le vendeur lui a délibérément cachés.
La jurisprudence va plus loin, et relève dans certains cas, une obligation de l’acquéreur de s’informer lui-même. Attention, l’appréciation des juges est là encore souveraine ! La haute juridiction, a statué le 16 septembre 2014 sur une vente. Le compromis indiquait que l’acquéreur prendrait à sa charge les frais afférents au transfert du permis de construire, sans indiquer de montant. L’acquéreur invoquait donc le défaut d’information et demandait une indemnisation. Sa demande a été rejetée, et il a été retenu que l’acquéreur devait lui-même s’informer sur ces frais.
Références juridiques :
- CA Dijon, 1ere ch., sect. 1, 12 févr.1998, n°00001028/96
- CA Versailles, 3e ch., 7 oct. 2005, n°04/01937
- CA Nîmes, 15 sept. 2011, n°09/05488
- Cass, Civ 1e, 16 janv 2007, n°04-12.908
- Cass, Civ 3e, 8 avr. 2009, n°09-72.747
- Cass, Civ 1e, 1er juin 1983, n°82-10.945
- Cass, Civ 3e, 7 janv. 1982, n°80-14.443
- Cass, Civ 3e, 14 mars 2006, n°05-13.030
- Cass, Civ 1e, 4 mai 2012, n°11-16328.