Un agent immobilier chargé de vendre un bien pour le compte d’un tiers peut légitimement être tenté d’acquérir ce bien. Mais si la tentation peut parfois s’avérer irrésistible, le législateur a fixé des « garde-fous » pour éviter toute dérive.
Ce que dit la loi
En matière de ventes immobilières, l’article 1596 du Code civil stipule que seuls les mandataires ne peuvent se rendre adjudicataires, ni par eux-mêmes, ni par personne interposée, des biens qu’ils sont chargés de vendre, sous peine de nullité.
La lecture de cet article pourrait laisser sous-entendre qu’un agent immobilier peut se rendre acquéreur d’un bien dont il a le mandat, du moment qu’il n’est pas vendu aux enchères. Mais la jurisprudence a élargi l’application de la loi à tous les mandataires, quel que soit le mode de vente.
Aux termes de la loi, l’acquisition d’un bien immobilier par un mandataire n’est donc en principe pas autorisée.
Maître Christophe HERY, avocat spécialisé en transactions immobilières, précisait d’ailleurs que cette double prohibition édictée par le Code civil agissait comme barrière contre l’utilisation « d’hommes de paille ».
Qu’en est- il dans la pratique ?
Un arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 24 novembre 2016 a par exemple confirmé l’annulation d’une vente immobilière sur les fondements de l’article 1596 du Code civil, statuant que l’acquéreur avait dissimulé sa qualité de négociateur d’une agence immobilière.
La loi définit donc clairement les règles en matière de ventes immobilières, protégeant ainsi les vendeurs de biens immobiliers et par la même occasion les mandataires.
Existe-t-il des exceptions ?
OUI. Si l’article 1596 du Code civil ne laissait aucune place à quelque dérive que ce soit, une récente réforme du droit des obligations a donné naissance à un nouvel article du Code civil, modifiant la donne en matière de ventes immobilières. En effet, l’article 1161 du Code civil permet à présent aux mandataires de se porter acquéreurs d’un bien immobilier, à condition que cela ait été autorisé ou ratifié par le représenté. En clair, si vous êtes mandaté pour la vente d’un bien, vous pouvez légalement vous porter acquéreur de celui-ci à condition que le vendeur le précise clairement et sans équivoque, par écrit. Il est clair que le nouvel article 1161 du Code civil élargit les possibilités offertes aux agents immobiliers.
Doit-on pour autant en oublier les bonnes pratiques ?
NON. Comme dans la plupart des professions, des limites peuvent être fixées par la loi mais également par un code de déontologie. En vertu de ce code, les agents immobiliers « s’obligent » à certaines règles régissant la profession, parmi lesquelles on retrouve entre autres :
- L’éthique professionnelle.
- La compétence.
- Le respect des lois et règlements.
- La transparence.
- La confidentialité.
Il est donc clair que si la loi a légèrement assoupli les règles d’acquisition de biens par les mandataires, ce code de déontologie, qui a également force de loi, se positionne comme un véritable verrou contre les dérives éventuelles. En tant qu’agent immobilier, il doit être considéré comme un indispensable outil de travail.
Par ailleurs, il est également précisé dans le code de déontologie des agents immobiliers que ceux-ci doivent veiller à ne pas acquérir un bien immobilier pour lequel ils auraient été mandatés. La déontologie prend donc clairement le pas sur la loi, évitant par la même occasion tout conflit d’intérêt.
À la lecture des différents textes de loi et codes en vigueur, on s’aperçoit que la profession d’agent immobilier est parfaitement encadrée et ne laisse aucune place à l’improvisation.
À l’instar de nombreuses professions, ces règles sont garantes de la compétence des interlocuteurs auxquels on donne mandat pour la vente d’un bien immobilier. Elles protègent les vendeurs, mais également les mandataires, en fixant des règles bien précises.
Vous êtes agent immobilier, vous avez légalement la possibilité de vous rendre acquéreur d’un bien pour lequel vous avez été mandaté. Mais sachez que dans la pratique, très peu de transactions de la sorte ont été réalisées jusqu’à présent.
L’éthique et la déontologie ont permis à cette profession de conserver toutes ses lettres de noblesse.