Vous détenez un mandat de vente spécifiant que le vendeur, mandant, a l’obligation d’accepter toute offre faite aux prix et conditions du mandat. A défaut, la sanction prévue par le contrat est généralement, le versement d’une indemnité forfaitaire égale au montant de votre rémunération contractuellement prévue. La Cour de cassation ne voit pas les choses de cet œil et remet en cause votre droit à indemnisation dans ce cas, par un arrêt récent du 3 mai 2018.
Les faits de l’arrêt du 3 mai 2018
Des époux ont confié la vente de leur bien à une agence immobilière par un mandat exclusif. Quelques temps après la signature du mandat, le mandataire informe ses clients qu’il a trouvé des acquéreurs ayant formulé une offre aux prix, charges et conditions dudit mandat. Les vendeurs ayant refusé de signer une promesse de vente par la suite, l’agence les a assignés en paiement de la clause pénale du mandat, soit à des dommages et intérêts.
La cour d’appel fait droit aux prétentions de l’agence et condamne les vendeurs au versement de l’indemnité forfaitaire prévue au mandat exclusif de vente. Les mandats se sont pourvus en cassation.
L’application stricto sensu de la loi Hoguet par la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel et invalide le droit à indemnisation de l’agence immobilière en rappelant qu’aucune somme d’argent n’est due, à quelque titre que ce soit, avant que l’opération soit définitivement conclue, en d’autres termes avant que l’acte authentique de vente soit signé chez le notaire. Il est également invoqué qu’un mandat de vente ne permet pas au mandataire de signer une promesse de vente pour le compte de son client, il ne peut en aucun cas engager son client sur un acte quelconque.
Bon à savoir : Cette limitation est écartée si une clause spécifique de votre mandat vous autorise à signer une promesse de vente pour le compte de votre client, à charge pour vous, de justifier avoir reçu une offre aux prix et conditions du mandat antérieurement à la transmission de cette offre.
L’article 6 alinéa 3 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite la loi Hoguet, précise que « Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
La Cour de cassation interprète donc strictement ce texte et invalide le droit à indemnisation des professionnels de l’immobilier dans le cas où un vendeur refuserait de signer une promesse de vente suite à une offre aux prix et conditions du mandat.
Une décision limitée au refus d’une offre aux prix et conditions du mandat
Attention, dans cet arrêt du 3 mai 2018, la Haute juridiction remet en cause le droit à des dommages et intérêts du mandataire uniquement dans ce cas-là.
S’il est rapporté la preuve d’un comportement fautif, d’une réelle volonté d’évincer l’agence, la clause pénale s’applique. En d’autres termes, si le vendeur traite volontairement et directement, ou éventuellement indirectement (par le biais d’un autre mandataire), avec un acquéreur que vous lui avez présenté, vous êtes en droit d’invoquer la clause pénale de votre mandat et lui demander cette fois, le versement de l’indemnité contractuellement prévue.
L’arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2018 reprend les termes d’une décision antérieure du 16 novembre 2016. Une tendance jurisprudentielle semble s’entériner. La validité ou non de votre clause dans la situation exposée précédemment demeure toujours soumise à l’appréciation souveraine des juges.
Références juridiques
Article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite la loi Hoguet
Cass. 1ère civ, 3 mai 2018, n°15-16.657
Cass. 1ère civ, 16 nov. 2016, n°15-22.010