« Construire des bâtiments de grande hauteur dans les zones les plus tendues pourrait réduire les tensions sur le marché immobilier » estime Jacques Attali au sein de l’ouvrage « 100 idées pour 100 jours », fruit d’une vaste consultation avec des experts de « France 2022 ». Alors que l’incendie d’une tour à Londres a fait la une, la construction d’immeubles de grande hauteur est-elle une piste d’avenir ? Revue d’avantages et inconvénients avec Nexity et Sogeprom.
Si les gratte-ciel continuent à prendre de la hauteur à l’international (jusqu’à 450 mètres en Asie), les initiatives françaises sont encore perle rare. Construire des immeubles d’habitation de plus de 50 mètres présente pourtant nombre d’avantages…
Levier d’innovations écologiques et architecturales
Offrant un panorama à couper le souffle, les immeubles de grande hauteur (IGH *à partir de R+17) réinventent l’habitat et ouvrent des espaces de liberté de conception pour les architectes. « Elément urbain remarquable qui structure le paysage, la tour offre un autre rapport à l’espace et à la lumière, où les architectes peuvent se libérer des contraintes traditionnelles » souligne Pierre Sorel, Directeur Général de Sogeprom, qui insiste sur l’intérêt d’exploitation écologique. Dans un rapport vertical à la ville, ces tours peuvent être végétalisées, construites en matériau bois et multiplier les initiatives vertes… « Potagers sur les toits comme traitement des déchets…, les économies d’échelle permettent d’envisager de nouveaux modèles», ajoute-t-il.
Des services mutualisés… proportionnels aux charges ?
Autre atout de cette mutualisation, l’emprise au sol ainsi dégagée permet de dédier le socle de la tour à d’autres usages : espaces verts, services commerciaux, mais aussi conciergerie, bibliothèque… « Les élus sont conscients de l’intérêt de créer plus de logements tout en proposant au sol des projets collectifs, mais les administrés sont vent debout. Leurs recours mettent à mal de nombreux projets », regrette Helen Romano, DG Nexity Résidentiel, qui incrimine les charges lourdes correspondant à la taille de la copropriété.
Contraintes techniques lourdes
Car la règlementation à partir de R+17 impose ascenseurs, escaliers, rails de contreventement…et à partir de 200 mètres (ITGH*), d’être équipé d’un poste à incendie (PCS). « Pour amortir les coûts d’un IGH en logements, il faut privilégier du logement en accession à une hauteur de 180 mètres, ou ensuite remonter à 200 mètres pour retrouver une économie de projet », conseille Pierre Sorel. Et contrairement à un immeuble de bureaux, la tour ne pouvant avoir aucune pièce occulte nécessite un rendement optimisé entre le noyau d’ascenseurs et l’espace habité. Ces coûts techniques se répercutent inexorablement sur le prix de vente. Un argument massue selon Helen Romano alors que Pierre Sorel estime que « Ce logement exceptionnel aux services innovants justifie ce niveau de prix. Au regard des progrès en termes de matériaux, isolation, digital(…) le niveau de charges mutualisées n’est pas rédhibitoire ! C’est une autre façon d’habiter, révolutionnaire ! ». Mais les Français sont-ils prêts ?
Des freins culturels à lever
« Le panorama offert doit être pertinent : une vue sur Seine aura plus de sens qu’une vue sur un nœud autoroutier, il ne faut pas reproduire les erreurs du passé » rappelle Helen Romano qui insiste sur la pertinence du territoire. Car le traumatisme des barres construites dans les années 60 est encore très présent dans l’inconscient collectif. « Si les Chinois sont fiers de dire qu’ils habitent au 18ème, en France, ils achètent d’abord aux premiers étages ! ». Pour Pierre Sorel, tout est une question de segmentation, et l’attente serait forte. « La jeune génération, qui n’a plus le rapport à la tour que peuvent avoir nos parents, est dans une approche décomplexée de ce logement et de leur représentation ». Mais pour trouver son public, « la tour, pour être remarquable, doit rester un événement exceptionnel, il en faut 1 à 2, pas 10 ! ».
*IGH : Immeuble de Grande Hauteur à usage d’habitation
ITGH :Immeuble de Très Grande Hauteur à partir de 200 mètres
« Un segment de la population attend cette révolution de l’habitat ! », Pierre Sorel – Directeur Général de Sogeprom