Le deuxième tour des élections municipales, le 28 juin 2020, a fait basculer de nombreuses grandes métropoles dans le giron des écologistes. Jusqu’à présent, seule Grenoble était dirigée par un élu vert. Elle est rejointe par Bordeaux, Lyon, Marseille, Strasbourg et plusieurs villes de taille moyenne. Ce tournant historique, conforme à la prise de conscience du public sur la question environnementale, est-il cependant une menace pour votre activité ?
Un coup d’arrêt à la construction
Au lendemain du deuxième tour des municipales, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), ne cachait pas sa crainte d’un « coup d’arrêt ou en tout cas d’un ralentissement » de la construction après la victoire des Verts. Les maires sont effectivement dépositaires d’un pouvoir important, celui d’octroyer les permis de construire. Ils sont donc au cœur de la politique du logement. Les projets de mandat de la plupart des candidats écologistes nouvellement élus étaient en effet assez clairs. À Bordeaux, Pierre Hurmic veut encourager la végétalisation des sols et réduire leur artificialisation et il a déjà annoncé le gel de grands programmes immobiliers. Son souhait : que tous les nouveaux bâtiments soient neutres ou à énergie positive. À Lyon, Grégory Doucet souhaite mettre fin à la construction des tours dans le quartier de la Part-Dieu, mais il s’agit là de limiter la surface dévolue aux bureaux pour privilégier le logement.
Même à Paris, la maire socialiste Anne Hidalgo a mis en pause, à la demande de ses alliés écologistes, le projet de zone d’aménagement concerté (ZAC) Bercy-Charenton qui devait comporter six tours. Il sera revu dans le cadre d’une concertation citoyenne englobant la création d’un nouveau bois.
La vague verte dans les grandes villes sonne-t-elle le glas de la construction de logements ? Rien n’est moins sûr.
Pas question d’arrêter de construire
Le nouveau maire de Bordeaux sait qu’il ne peut pas tout arrêter, car le besoin en logement est pressant dans ces grandes métropoles. La crise sanitaire a de plus interrompu de nombreux chantiers de construction, entraînant un déficit de plusieurs dizaines de milliers de logements en 2020. Il souhaite simplement « maîtriser le rythme de la construction et marquer une pause dans les grands programmes si les équipements structurants (écoles, salles de sports et bâtiments culturels) ne suivent pas ». Par ailleurs, les nouvelles constructions devront se faire sur des sites déjà urbanisés et dans le respect des normes environnementales actuellement en vigueur (BBC, label HQE).
Le plan de relance présenté par le Premier ministre Jean Castex incite les maires à construire de façon moins étalée et plus durable. Cependant, il favorise aussi la rénovation énergétique de l’existant au détriment de la construction neuve. Un parti pris que la FFB regrette, ainsi que l’absence de mesures fortes pour soutenir le logement neuf. Ce secteur décroche déjà depuis le
début de l’année : les ventes de maisons neuves ont chuté de 22 % sur 6 mois et celles de collectifs de 31 % (1).
Pour autant, le Gouvernement ne délaisse pas totalement la construction neuve. Une enveloppe de 350 millions d’euros sera versée fin 2021 aux villes sur la base des permis octroyés pendant l’année écoulée. C’est une manière d’inciter les maires à accélérer la livraison de logements neufs en secteur urbanisé qui avait initialement fait ses preuves sous François Hollande.
Mettre l’écologie au cœur de la ville de demain
Leitmotiv du plan de relance, notamment pour le bâtiment, le développement durable est mis au centre de la politique du logement. Le rattachement d’Emmanuelle Wargon, la nouvelle ministre déléguée au logement, au ministère de la Transition écologique, est révélateur de l’ambition du Gouvernement : « Il n’y a pas de contradiction entre écologie et économie ». Certains pourront redouter la mise en place par ces nouveaux édiles verts de nouvelles règles d’urbanisme et de normes écologiques coûteuses. Mais elles obligeront à construire des logements plus économiques en fonctionnement et par conséquent plus intéressants sur le long terme, notamment pour les investisseurs.
La Convention citoyenne pour le climat, dont les propositions ont été présentées fin juin, a confirmé que l’écologie et le logement étaient la première inquiétude des Français avec l’emploi. Il ne s’agit donc pas seulement d’une problématique d’élus écologistes, mais d’une thématique de société qui draine toute l’économie. Signe encourageant s’il en est, chez tous les grands promoteurs, les réservations de logements se sont maintenues ou ont augmenté au premier semestre 2020. Ce dernier a pourtant été marqué par le confinement et l’arrêt quasi complet de l’économie.
Sources :
(1) https://batinfo.com/actualite/le-gouvernement-presente-les-mesures-de-son-plan-de-relance-de-100-
milliards-deuros-le-batiment-est-pret_16260