La crise liée à la pandémie de Covid-19 va toucher certains pans de l’économie plus durement que d’autres : hôtellerie, restauration, tourisme, évènementiel. Les Français qui travaillent dans ces secteurs risquent-ils d’être exclus du crédit immobilier, impactant alors directement le marché, et votre activité de constructeur ?
La solvabilité des ménages risque d’être impactée, et devrait avoir pour conséquence de réduire les accords de crédits. Résultats ? Le nombre de transactions devrait certainement baisser : 220.000 transactions dans le neuf et l’ancien seraient menacées d’ici la fin 2021…¹
Les banques déjà plus sélectives avant le coronavirus
Les plus gros freins à la production de nouveaux crédits immobiliers sont antérieurs au coronavirus : il s’agit de l’application stricte des recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui a demandé aux banques, en novembre 2019, de respecter des critères d’octroi stricts : ne pas prêter sur plus de 25 ans et, surtout, limiter à 33 % le taux d’endettement des emprunteurs pour la majeure partie des crédits accordés.
Cela signifie concrètement que, pour un ménage gagnant 3 000 € nets avant prélèvement à la source, par mois, la banque limite désormais à 1 000 € la mensualité proposée, alors qu’auparavant elle aurait pu accepter une échéance de 1 050 à 1 100 € afin qu’il puisse faire un plus gros crédit. C’est pourquoi l’économiste Michel Mouillart, responsable de l’observatoire Crédit Logement-CSA, anticipait déjà une chute de la production de crédits d’un peu plus de 10% en 2020 vs 2019, avant même la crise sanitaire. Il table aujourd’hui sur un repli d’un peu plus de 26%.
Conséquences : les ménages aux revenus modestes et les primo-accédants ont eu plus de mal à emprunter ces derniers mois, ce qui ne s’arrange pas avec la crise sanitaire.
Dans tous les cas, le taux moyen des prêts immo ne fluctue pas beaucoup et s’élève à 1,25% en moyenne en juillet 2020 selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA, contre 1,29% en juin 2020. Les taux entament donc une légère descente et restent encore très attractifs.
Officieusement, une plus grande sélectivité des dossiers…
Observées depuis l’année dernière, les restrictions bancaires s’aggravent depuis la crise. Les banques font encore plus attention à l’emploi et au secteur d’activité dans lequel travaillent les emprunteurs. On a d’ores et déjà des secteurs qui sont regardés d’un mauvais œil par les banques : l’aéronautique, l’habillement, l’événementiel et le tourisme. De plus, certaines banques sont plus enclines à privilégier leurs clients, du fait d’une meilleure visibilité en matière de risque, et sont en revanche réticentes à prendre de nouveaux clients, excepté certains profils sécurisés.
Outre un taux de refus en hausse, les courtiers observent également que l’écart de taux immobiliers se creuse entre les meilleurs et les moins bons dossiers. Les banques ont tendance à augmenter leur taux pour les ménages modestes et, au contraire, à les diminuer pour les emprunteurs prisés.
“Les banques demeurent méfiantes à l’égard de dossiers émanant de personnes travaillant dans les secteurs lourdement impactés par la crise sanitaire. On note une assez forte hausse de non acceptation de prêts, une majeure partie des banques refusant même d’examiner certains type de dossiers qu’elles auraient préalablement acceptés », souligne Alban Lacondemine, président fondateur d’Emprunt Direct.
« Cette plus grande sélectivité aura un impact certain sur la délivrance de prêts. L’écart entre demande exprimée en immobilier et demande transformée pourrait ainsi grandir. Si la première devrait rester relativement forte, les conséquences de l’application des critères du HSCF, des restrictions de prêt sur certains secteurs particulièrement exposés au Covid-19 devraient mécaniquement compresser la seconde », poursuit-il.
Mais officiellement, des critères professionnels inchangés suite au Covid
A situation égale, certains candidats à l’emprunt vont-ils essuyer plus de refus en raison de leur profession ? Officiellement, non. « Il n’y a pas, aujourd’hui, d’exclusion d’emprunteurs sur la base de leur exposition aux conséquences économiques du coronavirus », affirme ainsi le porte-parole d’une grande banque française, qui poursuit : « Les critères qui fondent la décision d’octroyer ou non un crédit n’ont pas changé avec la crise. Le nom de l’employeur n’en fait pas partie ».
Mais, sous couvert d’anonymat, un courtier spécialisé explique pourtant avoir été prévenu par certains établissements avec lesquels ils travaillent : ils ne souhaitent plus financer les projets immobiliers des personnes travaillant dans l’événementiel, l’hôtellerie-restauration ou encore le secteur aérien, y compris en CDI. La même source rapporte par exemple le cas d’un pilote de ligne à très hauts revenus, dont le dossier a été refusé en raison d’un trop grand risque de licenciement. Et les salariés d’autres secteurs sont également scrutés de très près : ceux qui travaillent dans l’habillement et l’automobile, notamment².
Toutefois, un critère va prendre encore plus d’importance que la profession, annonce Sandrine Allonier : celui de l’employabilité. C’est-à-dire de la capacité d’une personne à rebondir en cas de licenciement. « Le risque accru de chômage n’est pas rédhibitoire pour obtenir un prêt », explique la porte-parole du courtier Vousfinancer. « Mais dans le contexte actuel, la capacité à retrouver rapidement et facilement un travail va être importante. » Ce qui revient, tout de même, à instaurer une forme de discrimination entre les emprunteurs évoluant sur des secteurs porteurs, et les autres.
Les ménages modestes en première ligne
L’observatoire Crédit Logement-CSA confirme aussi que les nouvelles exigences des banques devraient plus durement toucher les ménages les plus modestes, plutôt que cibler des professions précises :
– L’apport personnel : celui-ci a nettement augmenté au premier trimestre après plusieurs années de baisse. Sur le trimestre écoulé, Crédit Logement constate ainsi un taux d’apport moyen de 15,9% dans l’ancien (14,8% un an plus tôt) et de 16,6% dans le neuf (14,2% un an plus tôt). Crédit Logement souligne que la mise en œuvre des recommandations du HCSF met un terme à l’assouplissement des conditions d’octroi des prêts qui avait soutenu le marché jusqu’en décembre 2019. Aujourd’hui, l’idéal est de disposer de 20% d’apport, de façon à couvrir les frais de notaire et 10% de la valeur du bien.
– La durée des prêts accordés continue à se raccourcir légèrement : de 232 mois en décembre 2019 on est passé à 224 mois en juillet 2020. Le déplacement de la production vers des prêts de plus courte durée témoigne d’un recul de la part des clientèles les plus modestes et les moins bien dotées en apport personnel, qui s’endettent habituellement sur les durées les plus longues. Dans le même temps, la part des prêts ayant des durées supérieures à 25 ans continue de se réduire, en réponse aux recommandations du HCSF.
– La règle des 33% d’endettement maximum, imposée par le HCSF, et qui défavorise les primo-accédants ayant tendance à avoir peu d’apport personnel et emprunter jusqu’à 100% du prix du bien.
²https://www.moneyvox.fr/credit/actualites/79751/credit-immo-des-professions-menacees-exclusion