Une hausse des prix de l’ancien persistante
En dépit d’une chute des ventes jamais observée depuis la Libération, la hausse des prix des logements anciens se poursuit, sans s’affaiblir. Pourtant, alors que les mois de mars à mai portent habituellement 27 % des ventes de l’année, l’effondrement du marché a déjà privé 2020 d’1/6ème de son activité. Cependant, les prix n’ont reculé en mai que dans 5 % des villes de plus de 100 000 habitants : cela était déjà le cas en avril, alors qu’en mars 8 % des grandes villes étaient concernées, après 12 % en janvier et en février.
Les tensions sur les prix ne se relâchent donc pas, même si la crise a été brutale et de grande ampleur. La chute de l’activité est en effet synonyme de raréfaction de l’offre et elle alimente les tensions sur les prix dans un contexte de pénurie. Elle accompagne la contraction de l’offre de crédits bancaires voulue par la Banque de France qui, dès le début de l’année, a provoqué une déformation de la structure du marché : les ménages réalisant les achats les moins onéreux (prix au m² ou prix du lot) ont quitté le marché proportionnellement plus que les autres, alimentant ainsi la persistance de la hausse des prix.
En mai 2020, les prix signés (mesurés en niveau annuel glissant) ont ainsi augmenté de 5.1 % sur un an, contre + 3.6 % il y a un an à la même époque. En outre, la hausse des prix affichés est presque deux fois plus rapide qu’il y a un an, lorsque le marché était en expansion : les offres des vendeurs sont donc toujours aussi ambitieuses et il faut remonter en 2010 pour retrouver un rythme de progression des prix affichés aussi rapide.
Poursuite de la hausse des prix dans le neuf
La hausse des prix des logements neufs reste soutenue, en dépit de l’atonie des ventes. Aussi bien sur le marché des maisons que sur celui des appartements, les tensions sur les prix sont toujours vives. En mai 2020, l’augmentation des prix a ainsi été de 3.3 % sur un an pour l’ensemble du marché, contre + 2.2 % il y a un an à la même époque. Et alors qu’habituellement les prix reculent au cours du printemps, ils ont confirmé leur progression rapide sur le marché des maisons et ils ont cru légèrement sur celui des appartements.
Ainsi, si la hausse est toujours la plus rapide sur le marché des appartements : + 3.4 % sur un an (+ 2.5 % en mai 2019), elle se poursuit au même rythme depuis février dernier. En revanche, le rythme de progression des prix des maisons individuelles se renforce au fil des mois (+ 2.6 %, contre + 0.8 % il y a un an), après une année 2019 de faible augmentation.
Nouvelle hausse des prix dans les grandes villes
Comme la demande ne devrait guère bénéficier des soutiens publics et/ou de mesures de relance avant l’automne, il faudra attendre que la production bancaire reprenne de la vigueur pour que le marché se redresse. Mais il paraît peu probable que les baisses des prix des logements anciens suffisent, par elles-mêmes, pour redynamiser la demande.
D’ailleurs, les prix n’ont reculé en mai que dans 5 % des villes de plus de 100 000 habitants. En revanche, la hausse des prix se poursuit et souvent se renforce dans la plupart des grandes villes : sur Besançon, Lyon, Mulhouse, Nantes et Villeurbanne, voire sur Montreuil, la progression est de plus de 10 % sur un an. La hausse est toujours rapide (de l’ordre de 9 % sur un an) dans nombre de grandes villes de l’Ouest (Angers, Brest et Le Havre), mais aussi sur des villes aussi diverses qu’Argenteuil et Metz. Et sur Angers, Marseille ou Toulouse, l’évolution des prix reste soutenue (plus de 8 %).
La crise paralyse le marché des appartements anciens et pourtant les baisses de prix sont rares : à Bordeaux où la baisse s’était amorcée en décembre 2019, les prix ne reculent plus que de 0.7 % sur un an et ils remontent depuis mars, même si cette remontée est encore modeste. Seule finalement parmi les grandes villes, Nîmes reste celle où les prix reculent depuis fin 2018, sans que le rythme de la baisse ne se soit accru avec la crise.
Et dans les villes qui avaient connu une diminution des prix jusqu’en février dernier, Limoges et Orléans, le redressement des prix se renforce. Alors que sur Paris, le ralentissement de la hausse amorcé durant l’automne 2019 se confirme. L’augmentation est cependant encore de 5.5 % sur un an, sans que les prix n’aient reculé depuis le début de la crise, bien au contraire. Ainsi les prix signés dépassent largement les 10 000 €/m² depuis plus d’un an et ils dépassent les 11 000 €/m² dans 11 arrondissements parisiens.
Un rebond technique peu vigoureux
Dès décembre 2019, le durcissement des conditions d’octroi des crédits voulu par la Banque de France a pesé sur le marché de l’ancien. Le nombre des compromis signés durant les deux premiers mois de 2020 était en recul de 7.7 %, en glissement annuel. Le déclenchement de la crise sanitaire a alors transformé en crise majeure ce qui n’était qu’un atterrissage des ventes : le marché s’est bloqué et en mars, le nombre des compromis a chuté de 50.1 % en glissement annuel.
Dans le contexte du confinement, la chute a été vertigineuse en avril : le recul de l’activité a été sans précédent depuis la Libération, de 82.9 % en glissement annuel. Et en mai, en dépit du déconfinement, la baisse des ventes était encore de 53.3 % ! Ainsi, en niveau trimestriel glissant, le nombre des compromis signés a diminué de 62.1 % à fin mai.
Même si un rebond « technique » de l’activité a pu s’observer dès le 11 mai, le sursaut de la demande de logements anciens n’a donc pas été très vigoureux : le nombre de compromis signés durant les 20 derniers jours de mai a certes été 3.5 fois supérieur à celui d’avril, mais il est resté inférieur de plus de 39 % à celui des 20 derniers jours de mai 2019. Dans le contexte d’une récession économique inconnue depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la reprise du marché de l’ancien risque d’être molle pendant un certain temps encore.
Des marges écrasées, mais pas de baisse des prix
En mai 2020, France entière, la marge de négociation s’est établie à 3.7 %, en moyenne : 3.5 % pour les appartements et 3.9 % pour les maisons.
Les marges redescendent vers les niveaux très bas, jamais observés par le passé même durant les périodes de (très) forte activité du marché de l’ancien. Sur le marché des maisons, elles restent à 15 % sous leur moyenne de longue période, et sur le marché des appartements, l’écart se creuse encore à 27 % sous leur moyenne de longue période.
Partout la chute du marché alimente les tensions sur les prix : et pas seulement sur les marchés des grandes agglomérations où la pénurie de biens à acquérir accompagne la pression de la demande depuis plusieurs années, mais aussi sur les territoires ruraux et dans les villes moyennes. Les prix signés progressent toujours et les acheteurs préfèrent renoncer à une négociation des prix affichés pour laquelle ils sont cependant en position de force. D’autant que les vendeurs restant sur le marché préfèrent retirer leurs biens en attendant la reprise du marché plutôt que de réviser leurs ambitions à la baisse. Les marges s’écrasent et la pénurie des biens n’est pas encore synonyme de baisse des prix.
Chute générale des ventes
La chute des ventes de logements anciens constatée depuis la mise en œuvre du confinement est générale.
Pourtant, la baisse des ventes constatée depuis le début du confinement a été la moins forte (de l’ordre de 50 %) dans 5 régions (Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Limousin et Picardie) où la hausse des prix avait été plus modérée qu’ailleurs, par le passé, permettant à la demande de mieux résister à la dégradation du marché observée avant la crise. Elle a donc été moins marquée que sur des territoires qui en 2019 avaient pu briller par leurs performances.
En revanche, le repli de l’activité est le plus rapide (de 65 % et plus, en glissement annuel) dans 5 régions (Aquitaine, Bretagne, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) où la demande avait été doublement déstabilisée, au-delà de l’impact de la crise sanitaire : par une augmentation des prix qui a sensiblement altéré les capacités d’achat des ménages, puis par le durcissement des conditions d’octroi des prêts qui a pesé sur le dynamisme de la primo accession à la propriété.
Préférence renforcée pour la maison individuelle
Sur la plupart des espaces métropolitains, la demande de maisons individuelles est habituellement très forte. Mais comme l’offre de tels biens disponibles à la vente reste structurellement limitée, les tensions sur les prix des produits proposés ne se sont pas allégées durant la crise sanitaire : alors que la taille de ce marché s’est contractée pendant le confinement, la demande solvable a fléchi dans une moindre proportion et sa préférence pour ce type de biens s’est encore renforcée. Ainsi, le niveau des prix des maisons qui est en moyenne de 12 % supérieur à celui des appartements pour l’ensemble des métropoles (et même de 22 % si on se limite aux seules villes centre) a de nouveau progressé. Cela s’est particulièrement constaté sur les métropoles de Brest, Grenoble, Rennes, Strasbourg ou Toulouse où les hausses de prix s’établissent entre 9 et 13 % sur un an. Dans les métropoles de Brest et Toulouse, la hausse concerne autant la ville centre que la périphérie, sur des territoires où la demande est confrontée à une insuffisance récurrente de l’offre en un produit convoité (la préférence pour la maison individuelle versus l’habitat collectif). Alors que pour les métropoles de Rennes et Strasbourg et surtout pour celle de Grenoble, la hausse tient principalement à l’évolution constatée en périphérie vers laquelle la demande qui cherche à se délocaliser tourne sa préférence.
La hausse des prix des appartements se renforce dans la plupart des grandes villes. Cela se constate aussi dans nombre de métropoles. L’augmentation des prix est la plus rapide sur les métropoles de Brest et Nantes (de l’ordre de 11 %), et dans une moindre mesure sur les métropoles de Lyon, Nancy et Toulouse (de l’ordre de 8 %). En dépit du repli de l’activité constaté sur l’ensemble du territoire de ces métropoles, la hausse des prix reste aussi vive sur la ville centre que sur les marchés des communes adjacentes : l’insuffisance de l’offre entretient toujours la rareté à l’origine de ces évolutions.